L’éléphant dans la pièce : Aborder l’anxiété raciale des travailleurs sociaux blancs du bien-être de l’enfance

par Jana Vinsky, MSW, RSW, Travailleur Social, Psychothérapeute

Il est souvent difficile de parler de race et de l’affronter. Pourquoi cela est-il le cas pour un si grand nombre d’entre nous qui sommes blancs, d’aborder le racisme, et que pouvons-nous y faire? Depuis plus de 20 ans, je m’efforce de comprendre le racisme dans la pratique du travail social, et j’aide d’autres travailleurs sociaux blancs à faire de même.

La plus grande partie de mon apprentissage a nécessité un auto-examen. Cela a commencé avec des personnes racialisées qui me mettaient au défi avec ma pensée « coloniale », « orientale » et « suprémaciste blanche ». Pendant longtemps, je n’avais aucune idée de quoi ils parlaient et je ressentais de l’anxiété lorsque le sujet de la race était abordé.

Je me voyais en tant que bonne personne progressiste. J’étais contre le racisme. Entendre que j’étais oppressive semblait absurde. Ces personnes comprenaient-elles réellement ce qu’elles disaient? Savaient-elles qui j’étais vraiment – une bonne personne?

Je me rends compte maintenant que je ressentais ce qu’on a nommé de l’« anxiété raciale ». J’étais réactive chaque fois qu’on abordait le sujet de la race. Je n’avais pas encore les outils pour être sur la voie de l’humilité afin de faciliter l’apprentissage, qui permettrait l’ouverture à la responsabilité, et rendrait ma pratique du travail social plus utile que nuisible.

Anxiété raciale

L’anxiété raciale est un terme utilisé pour décrire le niveau accru de stress que les gens ressentent lorsqu’ils interagissent parmi les divisions racilialisées. Les personnes blanches peuvent craindre d’être perçues comme racistes, alors que les personnes racialisées peuvent craindre de subir du racisme (https://perception.org/research/racial-anxiety). Selon mon expérience, l’anxiété raciale est courante chez les personnes blanches lorsqu’on discute de racisme et de travail social. Cela nous fait mettre souvent sur la défensive, en ayant des réactions qui passent de mettre fin aux conversations à attaquer directement les personnes qui veulent aborder la race. Une autre réaction courante est de prétendre que nous en avons déjà fait suffisamment au sujet de la race, ou d’accepter de faire quelque chose de très peu significatif, ou de prétendre que nous devons aborder d’autres sujets. Mon travail (sur moi et avec d’autres travailleurs sociaux blancs) s’est amélioré avec le temps, puisque j’en suis venue à me concentrer sur le fait de nommer l’anxiété raciale, et sur certaines mesures à prendre lorsqu’elle surgit en nous. J’appelle cela « travailler avec notre réactivité ».

Réactivité

Si vous êtes blanc, comment vous sentez-vous lorsque vous entendez des mots comme « ce que vous avez fait était du racisme » ou « ce que vous avez dit est offensant »?

Vous éprouvez peut-être une gamme d’émotions et de sensations dans votre corps. Éprouvez‑vous de la gêne, de la culpabilité, de la honte, un sentiment d’exposition, ressentez-vous qu’on vous accuse injustement, qu’on vous attaque, éprouvez-vous de la peur, de la rage, ou êtes-vous furieux…? Que se passe-t-il dans votre corps? Vous avez peut-être des commentaires, des histoires ou des présomptions au sujet de la personne qui fait cette remarque. Êtes-vous capable de rester avec ce qui a surgi en vous sans vous accrocher à ces commentaires ou histoires ou repousser les émotions difficiles ou les sensations désagréables? Quelle est cette expérience? Que prétendez-vous qu’elle signifie à votre sujet? Comment travaillez-vous avec vous-même pour reconnaître et aborder le racisme et votre impact?

Dans mes conversations avec les gens, j’ai constaté certains des éléments de cette réactivité. Cela peut inclure de vouloir être vu comme une bonne personne qui est du bon côté des choses. Nous voulons peut-être être dans le camp de la bonne personne blanche et craindre le jugement, et la perte de connexion. Nous voulons peut-être aussi être vu comme une personne « qui a compris », ou spéciale et différente des autres personnes blanches, en quelque sorte respectée pour avoir déjà lutté contre le racisme. Nous craignons peut-être d’avoir inconsciemment fait du tort et de ressentir de la culpabilité. Nous pouvons aussi ressentir de la culpabilité, de la confusion, des préoccupations et la crainte de l’incompétence professionnelle relativement à la façon dont le privilège interagit avec nous-mêmes personnellement et professionnellement. Nous résistons peut-être aussi à admettre notre relation avec le pouvoir, qui peut inclure un désir de maintenir l’oppression, et ainsi notre privilège (voir le travail de Robin DiAngelo sur la « fragilité blanche » https://www.youtube.com/watch?v=DwIx3KQer54; https://www.youtube.com/watch?v=cGGI66uK9x4). Nous craignons souvent d’être vus comme étant racistes parce que cela peut menacer notre autoperception.

Si nous apprenons à travailler avec cette réactivité et à comprendre que ce que nous ressentons est partagé par la plupart des personnes blanches, et est plus systémique que personnel, nous pouvons être sur la voie de l’humilité et de la responsabilité. De là, nous pouvons aborder le racisme en nous-mêmes et dans les systèmes dans lesquels nous travaillons. Lorsque nous embrassons l’humilité, nous pouvons accepter de « ne pas savoir » et devenir ouverts.

Un parcours vers l’humilité comme une personne qui « ne sait pas »

Notre parcours en tant que Blancs (et qui nous voyons comme des travailleurs sociaux bien intentionnés) qui entreprennent une autoréflexion cruciale et découvrons notre complicité dans le racisme, et le fait de découvrir à quel point nous ne le savons vraiment pas, peut être troublant. Cela peut menacer notre sentiment de contrôle. L’attente n’est pas d’arriver, mais d’adopter une forme de pratique où nous remettons constamment en question notre connaissance. Nous reconnaissons que notre prisme du savoir n’est pas neutre, mais fondé dans la blancheur et le privilège blanc (Pour en apprendre davantage sur le privilège blanc, consultez https://www.goodreads.com/quotes/tag/white-privilege).

J’ai travaillé avec tant de travailleurs sociaux blancs qui entrent dans une « crise de savoir » lorsqu’il s’agit d’en apprendre sur la race. À quoi cela ressemble-t-il? Des sentiments d’incertitude, une menace à l’autoperception d’une personne en tant que travailleur social (et individu) compétent, connaissant et bon, et à la vision du monde d’une personne comme étant juste, sont souvent évoqués. Bien qu’ils ne soient pas toujours linéaires, les modèles de deuil comme celui de Kubler-Ross (https://grief.com/the-five-stages-of-grief/) découlant de la perte d’une « vision du monde juste », et de la perte d’une autoperception idéalisée, et les modèles d’acquisition de compétences comme les Quatre stades de compétence (https://en.wikipedia.org/wiki/Four_stages_of_competence; https://www.mindtools.com/pages/article/newISS_96.htm) peuvent être utiles pour nommer certains des états psychologiques que nous pouvons éprouver au cours de ce parcours.

Fondamentalement, nous voulons rester sur la voie de l’humilité. Il est correct de ne pas savoir; il est correct de reconnaître que nous ne sommes pas parfaits – et non naïfs. Vivre avec humilité peut réduire l’anxiété et créer une plus grande ouverture à l’apprentissage et l’autoréflexion cruciale. Par l’humilité, nous pouvons être plus efficaces dans notre travail – en approfondissant une approche du travail social de type « travailler avec », plutôt que « à » ou « pour ». De cette façon, nous pouvons commencer à parer le racisme systématiquement enraciné dans notre pratique du travail social quotidienne.

Responsabilité

L’humilité nous aurait menés à assumer la responsabilité et à affronter notre violence systémique historique et actuelle à l’égard des Autochtones, des Afro-Canadiens et des personnes racialisées, de sorte que nous puissions prendre des mesures de réparation. Elle nous aurait menés à remettre en question notre idée de nous-mêmes en tant que personne intrinsèquement naïve et bonne (et toujours la victime), de sorte que nous puissions assumer la responsabilité de nous éduquer relativement à la suprématie blanche, ainsi qu’à notre complicité personnelle et professionnelle. Nous aborderions la façon dont le travail social a fonctionné pour faire taire les voix et la façon dont cela a contribué à l’oppression prolongée historiquement enchâssée dans le travail que nous accomplissons aujourd’hui. Nous aborderions activement nos agissements non intentionnels et parfois intentionnels dans notre travail social quotidien. Nous aborderions notre continuité systémique de disproportion et de disparité dans le bien-être de l’enfance, particulièrement à l’égard des Autochtones et des Afro-Canadiens. Nous nous demanderions comment notre temps passé dans le bien-être de l’enfance sera vu à l’avenir, et de quel côté de l’histoire nous choisissons d’être.

10 étapes pour aborder l’anxiété raciale pour les travailleurs sociaux blancs

  1. Notez vos réactions internes lorsque votre réflexion ou comportement relatifs à la race vous mettent au défi (p. ex. malaise, rage, impulsion à nier, défense, et/ou punir la personne ou remettre la perspective en question, et/ou « mettre la personne racialisée à sa place » – s’il s’agit de remettre en question la personne racialisée, etc.).
  2. Dites-vous d’arrêter.
  3. Dites-vous d’écouter. (Il s’agit d’une occasion d’apprentissage. Vous pouvez résoudre la question plus tard. Tentez de prendre une profonde respiration pour rester présent.)
  4. Dépersonnalisez et prenez du recul. (Vos réactions ne vous sont pas uniques, mais sont aussi celles des personnes qui partagent votre identité. Rappelez-vous l’idée de la Thérapie narrative : « le problème est le problème, non la personne ». Le racisme est systémique. Nous sommes souvent inconscients de nos gestes oppressifs qui font partie de notre conditionnement continu – souvent un réflexe qui survient avec la prise de conscience. Le « désapprentissage » est un processus éternel. Il ne s’agit pas du fait que vous soyez une bonne personne ou non. Ne vous concentrez pas sur vous, et apprenez.)
  5. Concentrez-vous sur la compréhension de la façon dont le racisme se manifeste et sur son impact; abordez-le et prenez des mesures de réparation.
  6. Embrassez l’« apprentissage par l’inconfort ». (http://www1.uwindsor.ca/criticalsocialwork/knowing-through-discomfort-a-mindfulness-based-critical-social-work-pedagogy;); apprenez-en sur la fragilité blanche (https://www.youtube.com/watch?v=DwIx3KQer54; https://www.youtube.com/watch?v=cGGI66uK9x4 )
  7. Ne vous séparez pas des autres personnes blanches. Recherchez d’autres personnes ayant le même parcours pour obtenir du soutien et de la mise au défi par les pairs. Soyez attentifs au sentiment de supériorité à l’égard des personnes blanches qui « ne comprennent pas ». Ce sentiment peut être un autre piège de défense de « bonne personne blanche ».
  8. Trouvez des moyens stratégiques d’aborder le racisme ou la blancheur systémique et institutionnelle à votre agence et à un niveau structurel, p. ex. faire un lien entre votre poste à l’agence et dans des secteurs ou systèmes semblables faisant ce travail (éducation, santé, justice, etc.); lisez le Rapport de la Commission ontarienne des droits de la personne (http://www.ohrc.on.ca/fr/enfances-interrompues); promouvez et utilisez les Pratiques d’équité raciale d’UVUV (http://www.oacas.org/wp-content/uploads/2016/09/One-Vision-One-Voice-Part-2_digital_french.pdf)
  9. Faites attention de ne pas devenir un « sauveur blanc » ou un champion de la race qui empiète sur les voix des gens.
  10. Rappelez-vous que le fait d’aborder le racisme est partie intégrante de la pratique du travail sociale, ce n’est pas un « ajout ». Il s’agit d’une « activité centrale », et d’une exigence éthique de l’Ordre des travailleurs sociaux et des techniciens en travail social de l’Ontario et de la Commission ontarienne des droits de la personne, et il s’agit d’un principe de la charte légale. Commencez par vous-même.

Liens :

Définition de l’anxiété raciale : https://perception.org/research/racial-anxiety/

Citations relatives aux privilèges blancs : https://www.goodreads.com/quotes/tag/white-privilege

Apprendre par l’inconfort : http://www1.uwindsor.ca/criticalsocialwork/knowing-through-discomfort-a-mindfulness-based-critical-social-work-pedagogy

Fragilité blanche : https://www.youtube.com/watch?v=DwIx3KQer54; https://www.youtube.com/watch?v=cGGI66uK9x4

Commission ontarienne des droits de la personne : http://www.ohrc.on.ca/en/interrupted-childhoods

Pratiques d’équité raciale d’Une vision une voix : http://www.oacas.org/wp-content/uploads/2016/09/One-Vision-One-Voice-Part-2_digital_french.pdf

Kubler-Ross https://grief.com/the-five-stages-of-grief/

Les quatre stades de la compétence https://en.wikipedia.org/wiki/Four_stages_of_competencehttps://www.mindtools.com/pages/article/newISS_96.htm