Culpabilité blanche : Comment accéder à la responsabilité pour les intervenants en bien être de l’enfance blancs

par Jana Vinsky, MSW, RSW, Travailleur Social, Psychothérapeute

En lisant la documentation actuelle sur le travail social, il est évident que le système du bien‑être de l’enfance de l’Ontario est reconnu comme étant systématiquement raciste. Il y a de nombreuses discussions relatives à la surreprésentation flagrante des Autochtones et des Afro‑Canadiens dans le système. La documentation souligne aussi la réalité que les personnes blanches constituent toujours la majorité des intervenants en bien-être de l’enfance en Ontario (Anti-Black Racism, Bio-Power, and Governmentality: Deconstructing the Suffering of Black Families Involved with Child Welfare, 2018).

Bien que les universitaires notent que les structures et procédés plus imposants de « blanchitude » produisent le racisme, les personnes blanches continuent d’éprouver de la culpabilité personnalisée blanche lorsque de tels sujets sont abordés.

Qu’est-ce que la culpabilité blanche? La culpabilité blanche est la culpabilité que ceux d’entre nous qui sont blancs ressentent et expriment souvent lorsque nous apprenons que nous perpétuons le racisme et bénéficions du privilège blanc non mérité. Nous nous sentons peut‑être coupables du fait que nous ou nos ancêtres ayons causé des préjudices. Nous pouvons nous demander ce que cela signifie à propos de nous personnellement, en ce qui a trait à notre bonté, et dans quelle mesure nous devons en assumer personnellement la responsabilité. La culpabilité blanche est particulièrement forte pour ceux d’entre nous qui pensent que nous avons bien agi, particulièrement pour ce qui est d’aider les enfants.

La culpabilité blanche peut prendre diverses formes. Pour ceux d’entre nous qui sont blancs, nous éprouvons tous différemment de la culpabilité en fonction de nos expériences de vie individuelles et de nos origines particulières. En ce qui me concerne, mes arrières grands‑parents et mes grands-parents faisaient de la traite des fourrures à Thunder Bay. Lorsque j’ai entendu parler pour la première fois de la colonisation, je me suis sentie coupable que ma famille véritable avait bénéficié de telles relations oppressives. Dans ma propre vie, je me sentais coupable que ma vie quotidienne soit si facile comparativement à mes amis noirs. En observant les difficultés auxquelles mes amis faisaient face, comparativement à la vie facile qui m’a été accordée simplement parce que je suis blanche, je me suis sentie coupable et confuse quant à la façon d’assumer la responsabilité individuelle de mon privilège non mérité.

La culpabilité blanche devient souvent un problème pour les personnes racialisées lorsque nous, personnes blanches, sommes pris et embourbés dans cette culpabilité. Lorsque nous sommes confrontés au racisme, et à notre responsabilité de faire cesser le racisme, nous ressentons et exprimons souvent la culpabilité qui émerge en nous. L’impact est souvent la frustration et la douleur à l’égard des personnes racialisées, parce que nous nous recentrons sur nous-mêmes et notre culpabilité, plutôt que sur le racisme, et que nous laissons aux autres le soin de veiller sur nous dans cette culpabilité. Cette culpabilité est un composant de la fragilité dont Robin DiAngelo discute, qui selon elle, fonctionne souvent de façon à empêcher de résoudre le racisme, et donc à maintenir le statu quo. Voyez Robin DiAngelo pour en apprendre davantage sur une telle fonctionnalité (https://www.youtube.com/watch?v=DwIx3KQer54)

Lorsque j’ai commencé à entendre parler de racisme, et ainsi de mon privilège blanc, j’ai ressenti beaucoup de culpabilité et je partageais cela avec mes amis racialisés. On me disait de surmonter cela parce que « cela est inutile ». Comme beaucoup d’autres choses dans ma vie, simplement tenter de « surmonter cela » n’a pas fonctionné. J’ai appris à taire ma culpabilité, et je me sentais coupable de me sentir coupable.

J’ai aussi appris qu’il peut être aggravant et offensant pour les personnes racialisées d’entendre parler de culpabilité blanche, particulièrement lorsqu’elles doivent voir ces mêmes personnes blanches continuer à causer des sévices. Je me suis rendu compte que la responsabilité de trouver des réponses ou des solutions à mes sentiments et mon désapprentissage ne relevaient pas des personnes racialisées.

Mon parcours pour renoncer à la culpabilité blanche, et accéder à la responsabilité, s’est effectué grâce au soutien de femmes noires qui étaient mes amies, en m’aidant à éclaircir la nature systémique de l’oppression et à aller au-delà d’une compréhension individualisée du racisme.

Il est dommage que ces femmes aient eu à accomplir un tel travail racial, et j’apprécie grandement leur générosité. Cependant, ce travail doit être accompli entre personnes blanches. Je pense que le « travail relatif à la culpabilité blanche » est malheureusement nécessaire parce que de nombreuses personnes blanches restent prises dans cette culpabilité, ce qui peut mener à l’immobilisation défensive relativement à des enjeux comme la race, ou au contraire, à une mobilisation excessive relativement à des enjeux de race, qui s’expriment souvent comme du sauvetage inconscient, de faibles attentes et de la modélisation. Si notre travail comporte l’apaisement de notre culpabilité blanche, cela continue donc d’être à propos de nous (les besoins des personnes blanches), plutôt qu’une contribution véritable.

Aborder la culpabilité blanche dans le bien-être de l’enfance est essentiel à la bonne pratique. Je sais cela parce que je continue d’avoir de nombreuses conversations privées avec des personnes blanches dans le bien-être de l’enfance, et ce qu’on dit dans les espaces publics est très différent de ce dont on parle entre nous en privé. Il y a souvent deux conversations parmi les personnes blanches au sujet du racisme dans le bien-être de l’enfance – une privée, l’autre publique. Les deux sont passablement distinctes. En public, nous pouvons nous présenter comme si nous sommes d’accord, nous comprenons, et progressons dans notre apprentissage, mais derrière des portes closes, les discussions comportent des difficultés de compréhension, un sentiment d’être blâmés et coupables d’être blanc, ainsi qu’une admission de choisir le silence, de se taire et de se retirer de discussions sur le racisme de peur d’être étiquetés comme mauvais (Pour ajouter à la discussion sur les types de réactions des personnes blanches découvrant le racisme, lisez L’éléphant dans la pièce : Aborder l’anxiété raciale des travailleurs sociaux blancs du bien-être de l’enfance).

Je travaille depuis des années avec des intervenants en bien-être de l’enfance blancs. Ma connaissance de la pratique m’indique que la culpabilité blanche reste un obstacle central lorsqu’il s’agit d’aborder les enjeux de race dans le bien-être de l’enfance. Cette culpabilité empêche souvent les intervenants blancs d’accueillir les commentaires et de revoir leur pratique de façons authentiques, ce qui nuit à l’ouverture requise pour la croissance et la responsabilité professionnelles. Cela blesse les enfants, les jeunes, les familles et les communautés, et alors que l’on continue à ne pas remettre le racisme en question, notre travail continue d’être de qualité inférieure, ce qu’aucun d’entre nous ne souhaite.

Comme je l’ai mentionné, ma culpabilité blanche s’est dissipée lorsque j’ai reconnu la nature systémique du racisme et que je suis allée au-delà de ma compréhension du racisme comme étant quelque chose faite par de mauvaises personnes. Pour en apprendre davantage sur cette compréhension, voyez le travail de Robin DiAngelo : (https://www.youtube.com/watch?v=kzLT54QjclA et https://www.youtube.com/watch?v=cGGI66uK9x4).

Chaque intervenant en bien-être de l’enfance blanc doit pouvoir reconnaître le racisme, selon des perspectives structurelle, individuelle et professionnelle, et puis voir la capacité que nous avons, ou dont nous avons besoin, pour travailler en vue de le faire cesser; étant donné que cela est une fonction nécessaire à notre pratique quotidienne du travail social.

Au-delà d’entretenir une compréhension systémique du racisme, j’ai commencé à utiliser mes connaissances en psychothérapie pour aborder cette culpabilité. Comme la thérapie narrative est ancrée en moi, j’ai été capable d’extérioriser la culpabilité et de la scinder en de nombreux aspects, plutôt que de l’envisager comme une large description que l’on tient pour acquise et que l’on nomme culpabilité. Cela a fait que je me suis intéressée à « la culpabilité ».

En prenant du recul, j’ai commencé à remarquer le fonctionnement de la culpabilité en moi. Je me suis aussi demandé s’il y avait des messages positifs connexes, et si des aspects de la culpabilité pouvaient être utilisés pour le bien. Je me suis demandé : Est-ce que tous les aspects de la culpabilité doivent être bannis? Quels aspects puis-je simplement observer? Quels autres puis-je apprivoiser? Lesquels dois-je combattre? Y a-t-il des aspects qui peuvent me faire croître de façon utile?

Je pense qu’une vision texturée et multiple de la culpabilité peut nous mener, nous les personnes blanches, à adopter un processus plus complexe et constructif pour assumer la responsabilité raciale. En encadrant de nombreux intervenants en bien-être de l’enfance blancs, j’ai constaté que certains aspects de la culpabilité sont utiles aux premiers stades d’apprentissage au sujet de la race. L’élévation de la conscience d’une personne et une invitation à la responsabilité, découlant de la culpabilité, peuvent mener au remords, à un engagement à réparer des torts, et à un désir d’apprendre.

Fondamentalement, l’objectif du travail relatif à la culpabilité blanche devrait consister à nous surmonter nous-mêmes, plutôt que de surmonter la culpabilité. C’est lorsque nous, en tant que personnes blanches, continuons de nous centrer sur nous-mêmes et sur ce que nous ressentons, aux dépens de la reconnaissance et de la résolution du mal que nous faisons, que le travail d’élimination du racisme devient désarticulé. Nous pouvons accéder à la responsabilité lorsque nous reconnaissons comment la culpabilité peut fonctionner pour garder la blanchitude et les besoins des personnes blanches centraux et supérieurs, en agissant pour continuer de détourner notre attention de la violence raciale. Pour cette raison, nous devons nous arrêter et faire une pause lorsque la culpabilité nous atteint. Nous devons nous demander à quelle action ou inaction la culpabilité nous invite. Nous devons ensuite nous demander quelle est la meilleure façon de procéder pour résoudre le racisme. À partir de là, nous pouvons accomplir notre engagement à réaliser une bonne pratique du travail social.

Comment les personnes blanches peuvent aborder la culpabilité blanche :

  1. Détectez quand la culpabilité est présente.
  2. Ne réagissez pas à partir de la culpabilité. Soyez curieux à son sujet – qu’exige-t-elle de vous?
  3. Normalisez la culpabilité – sachez qu’elle est une réponse courante pour ceux qui découvrent le privilège.
  4. Sachez que la culpabilité s’estompe – le sentiment passera et se dissipera probablement au cours du temps.
  5. Trouvez d’autres personnes blanches pour vous aider à comprendre la culpabilité et à la surmonter.
  6. Assurez-vous que vos actions ne découlent pas de la culpabilité; abordez le racisme parce que cela est la bonne chose à faire et est essentiel à la bonne pratique du travail social.
  7. Réconciliez-vous avec le fait que vous n’êtes pas inconscient, et que notre « aide » n’est pas toujours simplement « bonne », mais souvent contradictoire, c’est-à-dire, à la fois utile et dommageable.
  8. Recourez à la réflexion critique dans votre travail quotidien; réfléchissez aux systèmes dans lesquels vous travaillez, ne prenez pas les choses si personnellement, tout en assumant une responsabilité personnelle.
  9. « Ne perdez pas votre privilège, utilisez votre privilège » – voyez comment vous pouvez être utile en tant que personne blanche pour résoudre le racisme.
  10. Accueillez favorablement les commentaires – soyez capables de recevoir les commentaires sur le racisme, peu importe la façon dont ils vous sont émis. Ne vous concentrez pas sur « comment cela a été formulé » et l’aptitude de la personne à émettre le commentaire. Il s’agit souvent d’une réponse défensive découlant d’une fragilité qui exige tant de soin et qui empêche les personnes de se soucier d’émettre des commentaires.