La Commission de vérité et réconciliation du Canada a dicté ses cinq premières recommandations de changement au secteur du bien-être de l’enfance.

Dawn Flegel, directrice générale de la SAE de Sarnia-Lambton, discute des mesures que son agence a prises pour entreprendre la restauration de sa relation avec les communautés autochtones.

Quand le cheminement de la SAE de Sarnia-Lambton vers la réconciliation avec les communautés des Premières nations a-t-il débuté?

Lorsque je suis entrée en fonction à titre de directrice générale à Sarnia-Lambton, il y a cinq ans, les relations entre l’agence et les Premières nations n’étaient pas bonnes. Les communautés des Premières nations avaient une conception très négative de notre agence; les gens avaient très peur de nous et de notre autorité. Heureusement, l’agence et les Premières nations étaient au même stade dans leur volonté de créer quelque chose de différent et nouveau, et étaient disposées à établir une relation visant à améliorer le sort des enfants et des familles de nos communautés. Ces communautés ont été de formidables partenaires.

Quelles sont certaines des premières mesures que votre agence a prises pour améliorer la relation avec les Premières nations?

Nous avons commencé par transformer l’accent sur les services aux Premières nations en une orientation stratégique. À cette fin, nous avons formé un groupe de travail sur les Autochtones au sein du conseil d’administration, et avons ajouté trois postes au conseil, occupés par un membre de chacune des Premières nations de notre territoire. En établissant une orientation stratégique, en ajoutant des membres au conseil, en parlant de la stratégie, ainsi qu’en la valorisant aux réunions du personnel et en en rendant compte, nous avons réellement porté notre travail à un niveau plus élevé. Nous avons reconnu que pour faire des changements chaque jour, une question devait être incorporée dans chaque prise de décision à notre agence : « Quelle incidence cela a sur les familles et le personnel autochtones »?

À quels défis votre agence a-t-elle fait face en faisant ces changements?

C’est n’est pas comme si vous vous réveillez un jour, et que vous claquez des doigts, en vous disant que tout sera différent. C’est une tâche ardue. Cela exige que les gens s’observent eux-mêmes et vérifient leurs biais et leurs hypothèses. On nous a fait part de commentaires et de croyances racistes au début. Nous avons dû remettre en question la manière de penser à l’échelle de l’agence ainsi qu’établir une culture et un ton nouveaux.

Pouvez-vous donner un exemple précis où vous avez dû remettre en question la manière de penser dominante?

Nous avons modifié nos pratiques d’embauche, et cela nous a obligés à repenser la signification de « compétence », ainsi qu’à réévaluer la perspective européenne à laquelle nous recourons habituellement. En général, le domaine du bien-être de l’enfance établit que nos intervenants doivent détenir un Baccalauréat en travail social, qu’un B.T.S. est la référence absolue. Mais cette manière de penser a un impact si vous souhaitez embaucher du personnel autochtone. Vous devez tenir compte de l’impact de la colonisation, alors que les membres des Premières nations perdaient leur statut s’ils décidaient d’entreprendre des études postsecondaires. Cela a un impact sur les générations ultérieures. Vous devez tenir compte de la pauvreté qui sévit dans les communautés et des possibilités d’obtenir un diplôme universitaire ou de faire des études collégiales. Donc, si vous souhaitez embaucher du personnel autochtone, vous devez remettre en question l’ensemble du système de croyances voulant qu’un B.S.C. confère toutes les compétences et les connaissances.

Quelle est votre politique d’embauche actuelle?

Si vous êtes un Autochtone et que vous souhaitez travailler dans le domaine du bien-être de l’enfance, nous accepterons que vous déteniez un diplôme collégial dans un domaine connexe, nous vous aiderons à retourner aux études, et nous évaluerons les autres compétences et connaissances que vous apportez.

Y a-t-il eu beaucoup d’opposition à votre agence lorsque vous avez modifié vos pratiques d’embauche?

Au début, j’ai entendu de nombreuses personnes dire : « Il n’y a pas de personnel autochtone qualifié, nous ne pouvons pas attirer d’Autochtones ici. » Le raisonnement était : « Il s’agit d’eux. » Nous avons dû modifier notre manière de penser et nous dire « Il s’agit de nous. », parce que personne ne voudra venir travailler ici si nous n’accueillons pas la culture autochtone, si nous n’avons pas d’Autochtones ayant de l’autorité et de l’influence au niveau de la direction, et si nous ne sommes pas disposés à modifier fondamentalement notre façon de travailler ainsi qu’à prendre des risques pour y arriver. Nous ne pouvons pas continuer de procéder comme nous l’avons toujours fait et nous attendre à avoir des résultats différents.

En quoi la modification de vos pratiques d’embauche a-t-elle eu une incidence sur votre agence?

Nous avons créé une équipe autochtone afin d’offrir des services aux trois Premières nations ainsi qu’à toute famille s’identifiant comme Autochtone. Au début, nous étions tous des Blancs; maintenant, près de la moitié [des intervenants] sont des Autochtones. À mon avis, l’une des choses qui ont fait une différence est que nous avons embauché un gestionnaire autochtone pour une des équipes. Cela attire du personnel autochtone à l’agence, parce que les gens constatent que des Autochtones ont de l’autorité et de l’influence au niveau de la direction.

La Commission de vérité et réconciliation du Canada proclame le droit des gouvernements autochtones d’établir et de maintenir leurs propres agences du bien-être de l’enfance, et la Loi sur les services à l’enfance et à la famille appuie aussi ce droit. Pouvez-vous décrire où la SAE de Sarnia-Lambton en est relativement à la transmission de l’autorité aux communautés autochtones?

Je crois que l’objectif ultime est que les Premières nations offrent leurs propres services du bien-être de l’enfance, mais l’approche du MSEJ à ce jour est de les offrir par l’entremise d’agences autochtones préautorisées. Nous travaillons différemment avec chacune des trois Premières nations, selon les relations et les protocoles de travail que nous avons. Dans l’ensemble, nous croyons que la consultation requise par la LSEF est une norme minimale. Nous la concevons comme un partenariat réel, et vous ne pouvez pas simplement consulter à certains points de décision. La consultation doit être constante lorsqu’il s’agit de familles en particulier, mais aussi lorsqu’il est question de l’ensemble de la prestation de services.

Il semble que votre agence a fait des progrès considérables dans sa démarche de réconciliation.

Ouf, nous en sommes au tout début. Il existe une citation de Ron George, le représentant de la bande à Kettle and Stony Point, qu’il a apprise d’un Aîné de sa communauté : « S’il faut dix minutes à un homme pour entrer dans la forêt, il faudra dix minutes à un homme pour sortir de la forêt. » C’est cette reconnaissance du temps qu’il nous a fallu pour arriver au point où nous en sommes maintenant, par suite de la colonisation, des pensionnats et de la Rafle des années 1960. La guérison doit se faire en chacun de nous. J’ai aussi entendu une version différente de la citation – que l’homme peut sortir de la forêt beaucoup plus rapidement si un ours le poursuit. L’ours me motive.

Je reviens à une autre citation lorsque nous adoptons notre approche de type « laissez-nous venir vous aider » à la réconciliation, qui est une approche très condescendante. C’est une citation de Lilla Watson, une artiste autochtone australienne : « Si vous êtes venu ici pour m’aider, vous perdez votre temps. Mais si vous êtes venu ici parce que votre libération est liée à la mienne, travaillons donc ensemble. »

Premières Nations de la région de Sarnia-Lambton

Première nation Aamjiwnaang

La Première nation Aamjiwnaang (anciennement connue sous le nom de Chippewas de Sarnia) est une communauté des Premières nations comptant environ 2 300 Autochtones Chippewas (Ojibwas), dont 850 vivent sur la réserve. Nous sommes situés sur la rivière St. Clair, 5 kilomètres au sud de la pointe sud du lac Huron, dans les limites de la ville de Sarnia, dans le Sud-Ouest de l’Ontario, au Canada – juste de l’autre côté de Port Huron, au Michigan, à la frontière des États-Unis.

Notre langue d’origine est l’Ojibwa.

Le nom Aamjiwnaang, (prononcé am-JIN-nun) signifie « là où les eaux se séparent ».

Source : aamjiwnaang.ca

Première nation de Kettle and Stony Point

La Première nation des Chippewas de Kettle and Stony Point est située dans le Sud de l’Ontario sur les rives du lac Huron, à 35 km de Sarnia, en Ontario, près de la frontière du Michigan. La communauté compte 1 000 membres vivant sur la réserve, et 900 vivant hors réserve.

Source : kettlepoint.org

Première nation de Walpole Island

La Première nation Bkejwanong, aussi connue sous le nom de Walpole Island, est située près de Wallaceburg, en Ontario, à l’embouchure de la rivière St. Clair. Elle est constituée de six îles occupées par les Ojibwas, les Potawatomi et les Odawas depuis des milliers d’années. Ces Premières nations représentent aussi le Council of the Three Fires, une confédération politique et culturelle qui a survécu à l’épreuve du temps. Walpole Island n’a jamais été constituée en réserve, ce qui lui a conféré le statut de territoire non cédé. Aujourd’hui, la Première nation Bkejwanong compte au total 4 338 membres, dont 2 256 vivent dans la communauté.

Source :  walpoleislandfirstnation.ca