Kike Ojo, gestionnaire du programme Une vision une voix, réfléchit au dixième anniversaire de la Table ronde sur l’antioppression

Lorsque j’ai commencé à travailler dans le bien-être de l’enfance, il n’était pas rare d’entendre des membres du secteur dire qu’« ils ne voient pas de couleur », ou qu’ils traitent toutes les familles « de la même manière », malgré les disparités flagrantes témoignant du contraire. Toutes ces années plus tard, ce processus de pensée semble dépassé, presque archaïque. Nous avons beaucoup évolué et n’aurions pas pu être où nous en sommes aujourd’hui sans la Table ronde sur l’antioppression.

La pratique d’antioppression ou antioppressive (AO) est maintenant acceptée comme un cadre de travail qui vise l’équité (l’élimination de la disproportion et des disparités). Elle laisse supposer que l’oppression a cours et que les systèmes ne sont pas neutres. L’AO est axée sur l’action, établissant une stratégie pour contrer l’oppression.

Dans notre secteur, l’AO est importante, en raison du pouvoir et de l’autorité que nous détenons. Nos résultats, tels qu’ils sont confirmés par les données ventilées, suggèrent que nous sommes engagés dans des pratiques oppressives en tant que système et individuellement.

Il y a dix ans, le paysage de l’AO dans le bien-être de l’enfance était très différent de ce qu’il est aujourd’hui. Oui, il y avait des agences qui s’aventuraient dans l’équité et accomplissaient du travail avec les communautés marginalisées. La Children’s Aid Society of Toronto, par exemple, a entrepris du travail relativement à leurs résultats pour les communautés LGBTQ dans les années 1980 et 1990. En 2004, la SAE de Peel avait sa première directive d’AO au personnel (appelée Diversité à ce moment-là). Mais ce n’est pas vraiment avant que le programme de formation provincial d’antioppression soit élaboré en 2007 que le travail de l’AO a commencé à gagner du terrain dans toute la province.

À ce moment-là, nous étions un petit groupe à élaborer le programme de formation en AO, qui devait être suivi par la mise en œuvre du modèle de « formation des formateurs » pour s’assurer que du personnel additionnel pouvait être formé. Lorsque nous regardions autour de la table, nous savions qu’en tant que leaders de l’AO, le secteur nous consulterait pour obtenir du soutien. Il était important d’avoir une entité additionnelle qui se rassemblerait régulièrement pour fournir du leadership en matière d’AO à la province et un soutien mutuel. Voilà comment la Table ronde sur l’antioppression a été formée.

La Table ronde a élaboré des outils essentiels pour le secteur, qui informent la façon dont le personnel de première ligne travaille aujourd’hui :

  1. Un Exposé de position;
  2. Formation avec 102 membres de la haute direction sur la pratique antioppressive au sein de la direction;
  3. Symposium « What is it? » – Une journée pour exposer et expliquer l’antioppression au secteur;
  4. Élaboration du Cadre de travail sur l’antioppression.

La Table ronde sur l’AO a ouvert la porte et a permis d’avoir un dialogue véritable et honnête sur le pouvoir, les privilèges, la situation sociale et la « non-neutralité » dans notre secteur. La Table ronde sur l’AO a donné une plateforme au travail en matière d’équité et a légitimé la conversation. Il est indéniable que nous ne parlerions pas de racisme envers les Noirs aujourd’hui, et qu’il n’y aurait pas de projet Une vision une voix sans la Table ronde sur l’AO. Sa formation a été l’un des moments déterminants et les plus percutants de l’AO pour le secteur du bien-être de l’enfance.

Malgré ces réalisations, le parcours n’a pas été régulier et n’a pas toujours été facile quant à l’évolution de ce travail. Au cours des années, le travail d’AO a vraiment été une initiative communautaire, dirigée de la base vers le haut, ce qui s’est traduit souvent par des défis et de la résistance à l’égard du travail. Le travail s’est déroulé de façon imparfaite, et certaines agences sont beaucoup plus en avance que d’autres. Certaines SAE ont des leaders en matière d’AO, alors que d’autres n’en ont pas. Il en reste certainement beaucoup plus à faire et il reste beaucoup plus de chemin à parcourir.

Mais il y a également de nombreuses raisons de célébrer. Je suis ravie que nous en soyons à notre dixième année, et je suis heureuse de continuer à travailler avec des gens qui appuient cette importante conversation. Nous sommes extrêmement fiers d’être passés d’un groupe marginal à un groupe ayant de la légitimité dans le secteur; cela est un témoignage de la capacité de changement du système du bien-être de l’enfance.